Le rôle multiple du TNF-Alpha dans le cancer
Introduction
Le facteur de nécrose tumorale (TNF) est une protéine transmembranaire de type II, trimérique, composée d’environ 80 acides aminés. Elle possède un domaine cytoplasmique riche en proline, impliqué dans le trafic membranaire ainsi que dans la signalisation inverse induite par la liaison à son récepteur. Ce domaine est suivi d’un segment transmembranaire unique et d’un domaine extracellulaire contenant le domaine d’homologie TNF (THD), caractéristique de cette famille de cytokines. Le THD est relié à la région transmembranaire par un segment de tige (Figure 1) (Bodmer et al., 2002). Les cellules immunitaires activées – notamment les macrophages et les lymphocytes T – constituent les principales sources de TNF. Toutefois, d’autres types cellulaires, tels que les fibroblastes et les cellules tumorales, sont également capables de le produire (Wajant et al., 2003). Les effets biologiques du TNF sont essentiellement médiés par deux récepteurs : TNFR1 et TNFR2. TNFR1, qui contient un domaine de mort (death domain), peut initier des processus d’apoptose ou de nécrose, mais active également des voies de signalisation pro-survie, telles que celle impliquant NF-κB. TNFR2, qui ne possède pas de domaine de mort, favorise principalement la survie et la prolifération cellulaires via la signalisation NF-κB. Ces deux récepteurs recrutent différentes protéines adaptatrices et activent diverses cascades de signalisation, influençant ainsi les réponses cellulaires telles que l’apoptose, la survie, la prolifération et l’inflammation.

Figure 1 : TNF humain. La numérotation des acides aminés correspond respectivement aux récepteurs matures et au TNF soluble transformé. Les résidus lysine myristylés dans le TNF sont indiqués (Wajant, 2009).
Rôle du TNF dans la suppression et la promotion des tumeurs
Effets antitumoraux
Initialement, le TNF a été caractérisé comme une cytokine capable de tuer les cellules tumorales et a été utilisé à des fins thérapeutiques dans la perfusion de membres isolés avec du melphalan pour traiter les sarcomes des tissus mous (van Horssen et al. 2006). Dans cette application, le TNF augmente la perméabilité vasculaire, facilitant l'infiltration des cellules immunitaires et la destruction de la tumeur. Le TNF peut également stimuler les réponses immunitaires qui favorisent l'élimination des cellules tumorales, l'administration systémique montrant une certaine activité antitumorale dans les modèles précliniques (van Horssen et al. 2006).
Effets pro-tumoraux
Inversement, le TNF joue un rôle important dans la promotion et la progression des tumeurs. De nombreux modèles expérimentaux démontrent que le TNF contribue à la cancérogenèse : il favorise l'inflammation propice à l'initiation des tumeurs (par exemple, dans la cancérogenèse cutanée avec le traitement DMBA/TPA), soutient la prolifération des cellules ovales prénéoplasiques dans le foie et favorise la progression tumorale en activant des voies pro-survie et pro-inflammatoires comme NFkB dans les cellules tumorales et stromales (Arnott et al. 2002).
Le TNF dans des types et stades de cancer spécifiques
Cancers gastro-intestinaux : Dans le cancer gastrique, l'inflammation impliquant le TNF et d'autres cytokines facilite la carcinogenèse, souvent provoquée par l'infection à Helicobacter pylori. Le TNF augmente l'infiltration tumorale et favorise l'angiogenèse, ce qui contribue à la croissance de la tumeur (Popivanova et al. 2008).
Cancers du foie et de la peau : Dans l'hépatocarcinogenèse, l'activation de NFkB induite par le TNF dans les hépatocytes favorise la prolifération cellulaire et inhibe l'apoptose, contribuant ainsi au développement précoce de la tumeur. Des mécanismes similaires sont impliqués dans les modèles de carcinogenèse cutanée (Pikarsky et al. 2004).
Métastases et EMT : le TNF favorise les métastases dans des modèles tels que les cancers du côlon et du pancréas en induisant l'EMT, en augmentant l'invasivité et en modifiant le microenvironnement tumoral pour favoriser la dissémination (Chuang et al. 2008).
TNF et symptômes associés aux tumeurs
Au-delà de son rôle dans la croissance tumorale, le TNF est impliqué dans les symptômes liés à la tumeur tels que la cachexie, la douleur associée au cancer et la destruction osseuse. Il influence l'ostéoclastogenèse conduisant à la dégradation osseuse et active les neurones impliqués dans la signalisation de la douleur, contribuant ainsi aux syndromes de douleur cancéreuse. Le TNF supprime également la différenciation des cellules musculaires, ce qui contribue à la fonte musculaire et à la fatigue fréquentes chez les patients atteints de cancer.
Le rôle du TNF dans le cancer est très complexe - capable à la fois de supprimer et de promouvoir la croissance tumorale en fonction de divers facteurs tels que l'engagement du récepteur, le contexte cellulaire et le microenvironnement tumoral. Les stratégies thérapeutiques visent à exploiter ses effets bénéfiques tout en atténuant ses activités de promotion des tumeurs, ce qui souligne l'importance d'une modulation précise dans le microenvironnement du cancer.
Références
Bodmer, J.L., Schneider, P. and Tschopp, J., 2002. The molecular architecture of the TNF superfamily. Trends in biochemical sciences, 27(1), pp.19-26.
Wajant, H., 2009. The role of TNF in cancer. Death Receptors and Cognate Ligands in Cancer, pp.1-15.
Wajant, H., Pfizenmaier, K. and Scheurich, P., 2003. Tumor necrosis factor signaling. Cell Death & Differentiation, 10(1), pp.45-65.
Van Horssen, R., Ten Hagen, T.L. and Eggermont, A.M., 2006. TNF-α in cancer treatment: molecular insights, antitumor effects, and clinical utility. The oncologist, 11(4), pp.397-408.
Popivanova BK , Kitamura K , Wu Y , Kondo T , Kagaya T , Kaneko S , Oshima M , Fujii C , Mukaida N (2008) . Blocking TNF-alpha in mice reduces colorectal carcinogenesis associated with chronic colitis . J Clin Invest 118 : 560 – 570
Pikarsky, E., Porat, R.M., Stein, I., Abramovitch, R., Amit, S., Kasem, S., Gutkovich-Pyest, E., Urieli-Shoval, S., Galun, E. and Ben-Neriah, Y., 2004. NF-κB functions as a tumour promoter in inflammation-associated cancer. Nature, 431(7007), pp.461-466.

